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Résistance et transition
26 septembre 2018

Crudivorisme, jeûne et sobriété

Puisque j'aime traiter des sujets variés dans mes articles, ayant néanmoins de commun de proposer des réflexions systémiques, je voudrais aujourd'hui aborder de nouveau un sujet alimentaire. La nourriture reste le principal levier de civilisation et un problème récurrent de résilience parce que c'est le seul truc qui nous relie tous, dont on a tous besoin puisqu'on ne sait pas forcément encore (en tout cas pas tous) se nourrir de photons.

Parler de bouffe ne m'est pas arrivé depuis plusieurs années sur ce blog. Je suis végétarienne à tendance végétalienne, avec plus ou moins de flexibilité depuis 2014 (deux ans strictement vegan) et il ne m'était pas vraiment arrivé depuis cette transition vers une alimentation 95-100% végétale de réfléchir à des façons d'aller plus loin, pour ma santé, dans l'optique de l'effondrement et pour la résilience sociétale. Aujourd'hui, je me dis que j'ai manqué tout un pan de ce que j'aurais pu découvrir bien plus tôt, que j'avais jugé, sans savoir de quoi il retournait vraiment, comme ne pouvant pas me correspondre.

J'ai un tempérament très addictif de façon générale et envers la nourriture en particulier. Je suis d'une gourmandise qui confine à la gloutonnerie. Pour moi, il est donc difficile de me discipliner, de considérer que je ne devrais pas manger ceci ou celà, ne pas me resservir, alors que les choses sont devant mon nez. C'est d'autant plus gênant que je fais preuve d'une sobriété très forte concernant les autres aspects de ma vie, jamais de vêtements neufs ou de technologie récente, uniquement le strict nécessaire, pas de smartphone, peu de déchets, ...
Pour en arriver à avoir une alimentation végétale, il m'a fallu verrouiller psychiquement quelque chose et décider, en conscience, de ne plus considérer les produits animaux, en premier lieu la viande, comme des aliments. J'arrivais d'assez loin en ayant été élevée aux coquillettes-jambon, avec très peu de légumes et de fruits. Je mange toujours assez peu de fruits d'ailleurs, uniquement ceux que je trouve dans la nature ou qu'on me donne, principalement en raison de leur coût prohibitif en bio. J'ai donc commencé par intégrer à mon alimentation d'avantages de légumineuses, des légumes cuits, des oléagineux, bref, ce qui me semblait goûteux avec toujours cette obsession latente et absolument inutile des végétariens/liens pour les protéines. Le cru était assez loin de mon horizon.

Et puis j'ai fait une rencontre cet été, et puis j'ai lu à ce sujet, et puis je me suis posée de lourdes questions : pourquoi cuit-on les aliments alors qu'autant de choses qui poussent se mangent crues, que la cuisson coûte une énergie importante et dégrade les nutriments ? La réponse semblait davantage une question d'habitudes, ou bien de goût. Mais le goût aussi se dégrade et manger froid fait ressortir énormément de saveurs qui ne ressortent jamais d'un plat chaud. L'habitude seulement ? Peut-être bien.

J'ai retroussé mes manches avec l'idée que j'allais passer encore plus de temps en cuisine qu'avant, que j'allais découvrir de nouvelles choses comme avec le végétalisme mais que ça allait être encore plus compliqué, que j'allais devoir acquérir des produits aux noms barbares. Je ne pouvais pas me tromper davantage. Déjà par la simplicité de composer une assiette crue et aussi parce que, c'est évident mais je ne l'avais même pas anticipé, eh bien c'est la cuisson qui fait que l'évier déborde de poëles, de casseroles et de plats à gratin impossibles à récupérer ! Je me retrouvai à n'avoir à laver que des assiettes et une planche à découper alors que ce que je déteste le plus au monde je crois, à part le capitalisme et peut-être Macron, c'est faire la vaisselle. J'ai toujours cuisiné en collectivité parce que j'aimais ça mais aussi parce que cela me dispensait de vaisselle.

J'avais déjà mis le nez dans la pâtisserie crue auparavant, ne serait-ce que parce que son empereur est le tiramisu et que le tiramisu c'est le deuxième meilleur truc de la vie. Mais en fait, on peut composer les meilleurs ensembles du monde avec 5 ou 6 ingrédients magiques : des dattes, dü`cacao cru, des oléagineux (bruts, en poudre, en purée), de l'huile ou de la crème de coco, un sucrant (sirop d'agave, rapadura, xylitol, miel) et des fruits frais. On est forcément sans gluten, sans sucre raffiné et végétalien, ce qui est assez inclusif et diablement sain.

En fait, ce qu'il y a de fabuleux avec le cru, c'est qu'on mange infiniment mieux, infiniment moins, qu'on n'utilise plus l'énergie d'une plaque ou d'un four et que rien n'est frustrant puisque le corps comprend rapidement que tout ce qui lui arrive est hyper dense. Exit les calories vides de la deuxième assiette de pâtes au pesto, la faim puisque je peux manger "tout le temps", la détresse quand je suis en voyage parce que rien de transformé ne convient à mon éthique, une courgette et c'est reparti. Je pense que j'ai encore divisé par 2 ou 3 l'impact de chacun de mes repas (déjà divisé par 10 en étant végé et en consommant bio et local quand c'est possible).

Comment battre ce record de bilan carbone le plus bas pour un repas ? En ne mangeant pas. Alors oui, maintenant on va me dire que l'acte écologique ultime c'est le suicide et je vais dire "nan, désolée j'aime trop la vie !". Mais les vertus d'un jeûne hydrique (un jeûne où on boit... de l'eau) m'attirait depuis longtemps et j'ai profité de cette recherche à sortir de mon rapport compulsif à la nourriture pour tester 5 jours sans manger. Sans mysticisme. Simplement dans l'idée que mon corps aimerait sûrement se reposer après les 1000 bornes à pied que j'ai fait en 3 mois et que je pouvais justement le tenter après cela sans risquer une fonte musculaire absurde. Je ne cache pas qu'un jeûne est compliqué, parce que je vis en colloc et que je vois tout le temps tout le monde manger, parce que le sevrage, même bien préparé, est difficile et la reprise aussi (!) et qu'en sortie avec des ami.e.s les tisanes c'est un peu chiant. J'en ressors néanmoins avec la ferme intention de renouveler régulièrement l'expérience afin que mon corps ait tout loisir de se reposer parfois de l'agression que représente souvent le fait de manger des produits dits biocidiques. J'explique.

Les aliments peuvent être classés en 4 catégories :

- biogéniques (type 1), les aliments qui contiennent un "potentiel de vie", les graines et oléagineux germés ou "activés" par trempage.

- bioactifs (type 2), les aliments qui sont vivants, principalement les légumes, fruits, oléagineux crus

- biostatiques (type 3), les aliments qui ont perdu leur activité de vie, les aliments bioactifs cuits, les céréales cuites

- biocidiques (type 4), un peu tout le reste, les aliments transformés de façon générale, raffinés, sucrés, pasteurisés, en boîte, etc.

Notre alimentation de civilisation contient globalement et presque uniquement du 3 et du 4 et même la cuisine traditionnelle maison est une vaste entreprise de dégradation des nutriments présents dans l'alimentation. C'est donc une déconstruction totale de ce que l'on a l'habitude de faire qui s'entâme en cherchant à conommer principalement du cru et du vivant (1 et 2).

SI j'y trouve mon compte et même bien au delà, ceci n'est pas forcément adaptable à tout le monde et il est crucial de ne jamais se brusquer lorsque l'on souhaite changer quelque chose d'aussi important dans sa vie que son rapport à la nourriture. Mais manger moins, c'est aussi pour toutes les bourses pouvoir manger mieux, biologique, frais, cru, vivant. Des graines germées soi-même ça ne coûte rien et c'est fantastique. Récupérer des légumes à la fin des marchés, se baffrer de mûres en balade, c'est gratuit aussi. On a tous une carte à jouer pour faire de notre civilisation de l'excès et du "porno alimentaire", une civilisation plus sobre, pour que la crise alimentaire programmée n'ait pas lieu. Vous me direz que je suis extrême mais une société qui se dirige vers l'apocalypse tranquillement parce qu'il est plus diffile d'envisager la sobriété que la mort, ça n'est pas un peu extrême ?

A vous de jouer et de vous régaler !

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21 septembre 2018

Sciences sans conscience, etc

Retour sur le colloque « Sciences Responsables »

Je tenais à restituer via un article le plus complet possible le contenu de la journée de conférences que j’ai suivie la semaine dernière au sujet des sciences dites citoyennes, c’est-à-dire des sciences indépendantes du système dominant, celui où le savoir devient marchandise et où les recherches menées ne sont plus que la réponse aux besoins immédiats des industriels (recherche appliquée) ou à des aspirations à l’éthique questionnable (transhumanisme, manipulation du génome, …), en raison de financements publics inexistants ou orientés vers la croissance économique et un progrès technocratique.

J’en suis venue à participer à cette journée un peu par hasard mais le sujet m’intéresse au plus haut point puisque j’ai précisément quitté le domaine scientifique et la R&D en raison de l’absence de sens immédiat que je pouvais trouver dans mon travail. Je ne l’ai pas interprété alors comme une décision politique, même si, avec le recul, cela l’est au plus haut degré. Aujourd’hui, même si je ne veux pas revenir à ce milieu, principalement parce que j’aime davantage militer, mettre les mains dans la terre ou écrire sur mes voyages, il me semble important de « surveiller » l’évolution de l’éthique des sciences, les brèches qui s’ouvrent et les domaines militants qui requièrent de la matière grise.

Bien sûr, il s’agissait d’une rencontre où s’exprimaient et échangeaient principalement des chercheur.se.s, en l’occurrence éminemment citoyennistes, même s’il semblait bien y avoir au moins une intervenante qui avait un véritable discours de rupture. J’y allais sans attente particulière, uniquement la stimulation intellectuelle d’avoir l’impression de passer la journée dans un labo du CNRS. Et en prime, j’ai appris le mot « apocryphe ». Rien que pour ça, ça valait le coup de se déplacer.

Un constat accablant de l’état actuel de la science mainstream

Le diagnostic est le même partout dans le monde. La compétition généralisée du néo-libéralisme a contaminé tous les aspects de la société, transformant la science, tout comme la politique et la finance, en des espaces d’irresponsabilité illimitée où aucun lien n’est fait entre décision et conséquences, où personne ne peut être tenu pour responsable d’une dérive, d’une crise, d’un crime scientifique contre l’humanité, où le système semble être un automate sans pilote, une machine sans âme. Si les responsables existent, ils ne nous sont pas identifiables.

Les différents rapports de force existant entre la science, l’industrie, la politique et la finance ont fait prendre un virage utilitariste important à la recherche qui n’est plus aujourd’hui qu’une compétition pour des financements où il est moins important de chercher dans la « bonne direction » que de pouvoir s’assurer l’obtention de l’argent pour ladite recherche. C’est principalement une catastrophe pour la recherche fondamentale et les sciences sociales, ainsi que tous les domaines pour lesquels la plus-value économique n’est pas immédiate ou évidente. La recherche est devenue un grand marché du savoir mais aussi du doute et du mensonge où tout résultat peut se trouver, se « prouver » et se vendre pour l’intérêt d’un privé, de l’Etat, d’un lobby.

Le rôle du chercheur ou de la chercheuse se trouve limité à un travail d’exécutant et le potentiel subversif du scientifique est systémiquement et systématiquement nié. Les chercheur.se.s déviant.e.s sont ostracisé.e.s, les recherches publiées dans des revues non hégémoniques sont invisibles ou invisibilisées. Finalement, lorsqu’il s’agit de sortir d’un cadre, les chercheur.se.s font preuve d’étonnamment peu d’imagination et de recul face à l’éthique de leur travail. Souvent, la raison invoquée en est le manque de temps pour réfléchir à autre chose que la recherche elle-même et la peur de « freiner le progrès ». Néanmoins, lorsqu’il s’agit de l’impératif de refuser des recherches qui mènent l’humanité vers un gouffre ou de l’absence criante de sujets développés pour autonomiser et donner de la résilience à notre civilisation (agro-écologie, énergies décentralisées, …), aucune excuse ne pourrait être acceptée pour justifier l’inaction des plus brillants esprits du temps.

Aujourd’hui, on ne peut pas vraiment parler d’un contre-modèle en opposition qui existe réellement et soit pérenne. Néanmoins, quelques pistes ont été explorées dans le domaine des sciences non-systémiques :

- la recherche bénévole, indépendante, pour laquelle des personnes utilisent les moyens à leur disposition avec peu ou pas de ressources financières (par exemple les prises de données en écologie des populations, comme le comptage des oiseaux en migration) ;

- la recherche commandée, pour laquelle une association ou un groupement de personnes commandite un organisme de recherche classique pour mener une investigation sur un sujet qu’il ou elle subventionne ;

- la recherche participative menée par un collectif dont éventuellement des chercheur.se.s, des citoyen.ne.s, des associatif.ve.s qui posent ensemble les questionnements et mène la recherche dans une optique d’horizontalité chercheur.se.s/citoyen.ne.s/autres acteur.trice.s.

La principale difficulté demeure d’enrôler dans ce type de démarches des chercheur.se.s émérites dans leur domaine, en proposant des financements dérisoires et avec le risque de stigmatisation des autres acteur.trice.s de la profession.

Une brève histoire de la recherche citoyenne : créer l’intelligence collective

La recherche citoyenne rencontre tous les problèmes d’un chantier ouvert, d’une démarche de pionnier.e.s, à savoir un tâtonnement permanent. L’histoire commence dans les années 70 où, en Europe du Nord et en Italie notamment, un contexte de contestation et de rupture donne le champ libre à des initiatives de recherche indépendante, notamment en collaboration avec le Sud, en tentant de s’affranchir du paternalisme lié à l’histoire coloniale. A cette époque, la globalisation n’a pas encore contaminé la totalité des découvertes scientifiques et des ruptures technologiques mais déjà la confiance des populations dans la science est écornée. La question se pose déjà d’une recherche non étatique, non industrielle et surtout de son implantation et la participation citoyenne dans le paysage de la recherche de façon pérenne et pas dans le cadre de projets ponctuels.

Depuis ces débuts chaotiques, le contrat social entre la recherche et la société civile n’a pas subi de rupture véritable et le fonctionnement linéaire de la recherche est toujours globalement le paradigme majoritaire. Cela relève d’une difficulté de penser horizontalement les problématiques et de se comprendre en terme épistémologique. Les relations avec le Sud notamment auraient nécessité de décoloniser complètement les savoirs et la recherche. On parle alors de désobéissance épistémologique car la colonisation a eu pour impact un véritable lingicide (par exemple, la disparition des graphies africaines) et épistémicide via la scolarisation en langue étrangère (la langue des colons) qui a confisqué aux populations leur propre science, fondamentale, empirique et sociale en les contraignant à penser les aspects complexes, non quotidiens, de la vie dans une langue étrangère, ce qui implique également a posteriori la difficulté de la diffusion des connaissances. Ainsi, les recherches n’intéressent l’occident que lorsqu’elles servent son intérêt (peu de recherche sur le paludisme par exemple avant qu’un changement climatique ne remette en question l’aire de répartition des moustiques porteurs).

Dans les années 90, ATD Quart Monde a lancé un projet de recherche disruptive sur la pauvreté en incluant dans la démarche des travailleur.se.s sociaux et des personnes en situation d’extrême pauvreté. L’idée était de donner, un peu à la Alinsky, de la crédibilité aux populations concernées par la problématique pour définir les questionnements les concernant et de confronter le savoir vernaculaire avec les « acquis » des sciences sociales sur le sujet de la pauvreté qui sont souvent éminemment verticaux, condescendants et qui prennent en compte la pauvreté en termes de besoins et de solutions pensés par le haut, au lieu de réfléchir en termes de ressources et de dignité. En ouvrant ces brèches non-académiques et en invertissant certains raisonnements, cette recherche a permis de faire émerger de nouvelles problématiques, de nouvelles méthodes de validation de la démarche et des résultats. Elle a permis en outre de remettre en cause l’urgence de la situation de la pauvreté, le statut des savoirs vernaculaires (différents du simple témoignage, plutôt une co-construction sociale) et des schémas scientifiques admis tels que la pyramide de Maslow (pyramide des besoins) qui devient un cercle, tout cela par de nouvelles méthodes de mise en réciprocité et d’autonomisation des savoirs.

Se dégager de l’emprise industrielle

Comment maîtriser une science modelée par la compétition et l’injonction permanente d’être concret ? Comment orienter la recherche vers l’intérêt commun plutôt que dans un fonctionnement systémique ? Question ouverte et complexe, surtout en restant intégré et connecté dans l’écosystème de la recherche scientifique, de ses laboratoires et de ses revues.

L’innovation est une injonction systémique également, je vous invite pour approfondir le sujet à regarder la conférence « Innovation et progrès » d’Etienne Klein. C’est ce qu’il faut pour que « rien ne change » et que le monde « ne se défasse pas » c’est-à-dire que, dans le discours néolibéral, sans innover, la société pourrit, elle dégénère, elle tombe dans la déchéance, la dystrophie, la désagrégation, la décrépitude, la décadence, l’abâtardissement, je pense que vous avez compris, je peux fermer le dico des synonymes. Bref, l’innovation c’est le bien.

Pourtant, c’est souvent un bon gros foutage de gueule. Prenons l’exemple de la pharmacopée ; de nombreux experts s’accordent à dire qu’il n’y a pas de véritable nouveauté dans le domaine de la pharmaceutique depuis 1975, que ce qui survient après, ce sont des changements de packaging, des subterfuges pour prolonger les monopoles et empêcher le maximum de molécules d’être générisables. Du fait de l’absence d’innovations, la situation pourrait être stable et simple. On recense environ 10.000 maladies connues et 10.000 molécules actives sur le marché. Puisqu’un gène code une protéine dont le dosage ou la défaillance peut provoquer un dysfonctionnement donc une maladie, on pourrait imaginer les deux ensembles (maladies et médicaments) comme deux ensembles bijectifs. Que nenni. Le marketing transforme M. et Mme Toutlemonde en malade qui s’ignorait et la financiarisation de la santé provoque une concurrence féroce sur les marchés porteurs (maladies de civilisation : stress, maladies auto-immunes, maladies cardio-vasculaires) et un vide intersidéral du côté des maladies sans marché juteux (maladies complexes à diagnostiquer, à symptômes multiples et/ou rares).

Pour contrer cet état de fait, des exceptions existent comme la collaboration Cochrane qui réunit environ 30.000 experts sans lien d’intérêt avec le monde de la pharmaceutique qui travaille à une réévaluation indépendante des savoirs médicaux ainsi que la DNDI (Drugs for Neglected Disease Initiative). Ca paraît joli mais quand on regarde d’un peu près, les fondations qui financent ces projets trempent aussi dans les industries louches et contrôlent ainsi la totalité de la filière. J’aurai voulu finir ce paragraphe sur un truc cool mais j’ai raté. Désolée.

Recherche participative : de l’horizontalité avec les acteurs de l’agroécologie

La généralisation des OGM relève de la prédominance de la biologie moléculaire dans le champ de la biologie et de l’abandon tacite du principe de précaution. Un tiers secteur de recherche « empirique » se développe pour la sélection des semences biologiques, via un projet de l’INRA.

Ce projet de recherche participative se construit autour de paysan.ne.s-chercheur.se.s et de plusieurs laboratoires de recherche en France, sur la demande des acteur.trice.s de l’agriculture paysanne, en demande de variétés-populations répondant aux besoins de petites exploitations, sans intrants, de meilleure qualité et répondant de près à un cahier des charges personnalisé en fonction du type de sol et de climat. Cette recherche est par son essence-même décentralisée puisqu’elle a lieu sur les exploitations, un peu partout sur le territoire.

L’encapacitation (le fameux empowerment) des agriculteur.trice.s et des animateur.trice.s de terrain se fait via des outils génériques d’aide à la gestion et à la sélection collective de diversité dans une base de données qui favorise l’interdisciplinarité. L’action entraîne l’évaluation, l’analyse et le résultat qui génèrent à leur tour la discussion qui boucle sur l’action.

Malgré des difficultés liées au temps nécessaire à se comprendre, à construire la confiance, à trouver les financiers adéquats et le manque de reconnaissance politique de la recherche participative, cette dernière exerce un contre-pouvoir, centre la recherche sur des enjeux sociétaux et créé de nouveaux métiers.

La science au cœur de la démocratie

La justification de la création de l’association « Sciences citoyennes » et de la tenue de ces colloques repose sur la nécessité de développer des savoirs pour résister et envisager d’autres possibles. Ceci commence par la dénonciation du déficit de démocratie et de prise en compte du bien commun dans tous les aspects de la société et pas seulement dans la recherche. Il est temps de ne plus laisser les logiques de court-terme dominer et le marché déterminer l’utilité de la recherche, conséquence des relations trop étroites avec le secteur privé à but lucratif.

Les subterfuges actuellement utilisés pour demander l’avis de l’opinion publique ne trompent personne. Les consultations, déjà partie congrue de la démocratie participative, ne sont prises en compte que si leur résultat va dans le sens des marchands.

Dans le discours européen (et du coup français), les scientifiques devraient se retrouver « entre eux », explicitement sans les citoyen.ne.s pour retrouver leur éthique et leur légitimité. Les autres acteur.trice.s seraient des marchand.e.s de doute. Il n’y a pas de remise en question systémique, le problème est sensé être individuel.

L’expérimentation des sciences participatives n’a quasiment jamais été à l’initiative de l’Etat mais bien plutôt des régions. Aujourd’hui cependant, elle est resserrée, comme la recherche mainstream, également à l’utilitarisme et s’épaule seulement sur un fonctionnement différent et pas une finalité différente. Pour mener la lutte, c’est donc le tissu associatif et l’engagement individuel qui pourraient servir de levier, même avec une place minoritaire, dans le paysage de la recherche, comme par exemple avec la création d’une maison des lanceur.se.s d’alerte. La responsabilisation de la société civile face aux crises sociétales est un engagement de long-terme dont les effets se cumulent contre la marchandisation et les postures autoritaires, via des perspectives résolument décentralisées.

Une recherche orientée par la société civile

Ce qui se passe dans les laboratoires aura une grande implication sur le système Terre et sur l’informatisation des existences dans les années à venir et les crises afférentes. Cela modifiera, de fait, le contrat social entre la recherche et les citoyen.ne.s.

Pourquoi aujourd’hui, on recherche dans les domaines des OGM, du nucléaire, de l’intelligence artificielle, de l’ADN, de la géo-ingénierie, des voitures électriques, etc ? Si les peuples avaient pu choisir les orientations de la recherche, on peut supposer que les sujets développés auraient été très différents. Les citoyen.ne.s donneraient la part belle à la recherche fondamentale notamment et au développement de la collaboration plutôt que de la compétition dans la recherche. Pour que les personnes puissent s’exprimer, il faut développer des outils pour proposer une véritable participation non-biaisée des citoyen.ne.s et imposer leur légitimité aux pouvoirs publics, permettre d’établir des priorités mais aussi de proclamer des interdits. Même un groupe de profanes, s’il est suffisamment objectivement informé, peut exprimer un avis éthique pertinent sur un sujet complexe grâce à l’intelligence collective, aux qualités humaines naturelles. Le doute irréductible sur la pertinence de l’avis citoyen a tendance à invalider sa légitimité. Pourtant, la science ne peut survivre que si on l’ouvre de nouveau au bon sens, au sens commun. Il faut pour cela, permettre aux personnes de décrire le monde commun pour l’améliorer, en décrivant leur crise de subsistance individuelle.

Repenser la responsabilité des sciences

L’irresponsabilité des sciences est actuellement liée à l’immunité des entreprises sur les questions écologiques, climatiques et économiques. Le capitalisme productiviste et fossiliste se nourrit de sa propre impunité face à ses externalités.

Dans l’état actuel des législations internationales pour l’environnement, il n’existe aucune disposition qui soit à la fois contraignante et universelle. Ce qui est contraignant n’est pas universel et ce qui est universel n’est pas contraignant et se repose sur le volontarisme des états comme des ETN (entreprises transnationales). Grâce aux alliances entre société civile et scientifiques, il a parfois été possible de condamner des états en regard de leur constitution, comme devant l’obligation de protéger leur population qui subira les effets des pollutions et du changement climatique. Cela a abouti aux Pays-Bas, au Pakistan et en Colombie, peut-être bientôt aux USA. Un tribunal international déclarant le crime d’écocide pourrait faire avancer la cause environnementale car les tribunaux étatiques se heurtent à la plasticité des ETN et de leurs filiales qui peuvent apparaître et disparaître à l’envi.

Si l’Anthropocène est la description de l’impact de l’homme en tant que forme géologique (ce que je trouve personnellement présomptueux et une véritable glamorisation de l’apocalypse), l’homme a la possibilité de reprendre par la technique ou bien, les causalités non-linéaires induites par son activité et les boucles de rétroaction font déjà du système Terre un système hors de contrôle.

Les accents réminiscents d’une journée en amphi

Si je devais résumer ce que j’ai appris sur cette journée, c’est tout de même une assez agréable sensation qu’il y a une prise de conscience d’une partie des personnels scientifiques des enjeux globaux et de la responsabilité de la recherche dans ces enjeux. C’est peu, c’est tard, mais c’est mieux que rien, je crois.

Dans l’optique d’horizontalité de la recherche, il est toujours gênant que celleux qui définissent la légitimité de chacun.e à participer soient précisément celleux qui détiennent le savoir et ladite légitimité à la base. Mais il faut bien commencer quelque part et ouvrir la science semble le point de départ. Encore faut-il que la société civile s’empare de son pouvoir d’action politique, ce qu’elle ne fait pas habituellement sur les autres thématiques où elle est sollicitée. Comme sur toutes les problématiques sociétales, c’est la torpeur qui nous condamne. Ne soyons pas spectateur.trice.s de la vie, soyons chercheur.se.s de vérité !

20 septembre 2018

J’AI MARCHE DE LA HAGUE A PARIS

ou « ce que je retiens des 500 km parcourus, de la vingtaine de conférences à laquelle j’ai assisté et des rencontres sur la route »

Antinucléaires en question

J’ai entendu parler de la Grande Marche sur une autre marche, figurez-vous. La Solidaire, celle pour les migrant.e.s de ce printemps. Etrange de vouloir ajouter, après 500 km de Dijon à Calais, 500 autres, avec les mêmes chaussures pour ainsi dire, pour une cause aussi fondamentalement autre. 

Mais d’une certaine façon, c’était nécessaire. Marcher engage le corps, engage l’esprit. J’en fais l’éloge à tou.te.s celleux qui se questionnent. Quelque soit la question, elle trouvera réponse en cheminant. N’excluez pas, néanmoins, d’en voir apparaître d’autres que vous n’aviez guère anticipées.

Si l’association éphémère qui organise la Marche se nomme sobrement « Nucléaire en questions », est-il vraiment ici possible de s’y tromper ? Remettre le nucléaire en question bien sûr est légitime, mais cela signifie d’avoir, sinon pris position, du moins une farouche envie de s’informer sur ce qui est caché, ce qui dysfonctionne. C’est donc une cohorte de convaincu.e.s qui marche et se joint aux conférences. Plutôt des antinucléaires, disons des gros mots.

C’est dans cette optique-là en tout cas, que moi je suis arrivée. J’étais contre cette énergie mais j’avais besoin de davantage être capable d’expliquer pourquoi. Comme ces intuitions que vous avez, et pour lesquelles on se moque de vous car vous n’avez pas d’arguments et passez pour un mystique.

Dans un pays où 70% de l’électricité est nucléaire, quand vous dites schématiquement que « le nucléaire c’est mal », on arrive rapidement au point « bougie » de la conversation. L’échange peut s’arrêter là. La sobriété et l’efficacité énergétiques sont des concepts presque plus difficiles à expliquer qu’à vivre. Mais j’avais déjà lu le scénario NegaWatt et j’avais donc quelques abstractions à proposer. Pour le reste, le danger réel du nucléaire, l’impact sur la santé, l’état des centrales, la sûreté et la sécurité, la législation, l’arme atomique, le retraitement et les déchets, je suis arrivée là aussi ignorante que curieuse. Et j’étais très curieuse.

Je marche donc je suis

Je suis une militante anticapitaliste tendance « convergence des luttes », dont le cheval de bataille principal depuis deux ans était davantage l’aide aux exilé.e.s que l’écologie pure. Je suis cependant végétarienne, décroissante et nomade depuis bien longtemps, en colère que la biodiversité s’écroule « pour que notre foutue société puisse regarder sa télé ». Je sais aussi que les citoyen.ne.s ont peu la main sur le décisionnel, l’exécutif politique. Si je marche, si je milite, c’est pour une rupture idéologique, une (r)évolution consciente, pas parce que je pense que les politiques vont nous regarder et d’un coup d’un seul se dire « OK, on arrête le nucléaire, vingt clampins qui marchent, ça force le respect ! ».

On est attiré par le format de cette marche, je trouve. Des étapes assez courtes, des conférences chaque soir ou presque sur des sujets variés, une alimentation végétale de qualité. A la base, je pensais ne faire que la moitié du trajet et puis j’ai rapidement su que, finalement non, j’irai avec eux jusqu’au terme. Août aura donc été le mois de l’émotion, de connaissances engrangées, de grandes amitiés déployées, de questionnements vastes.

Le choix des conférencier.e.s, le niveau d’expertise, les thématiques choisies et l’espace du débat avaient de quoi ravir tout le monde, néophytes comme militant.e.s déjà assez informé.e.s.

Parler avec des « hiboux » de la lutte de Bure, comprendre les implications de Greenpeace dans la lutte, les recours légaux possibles contre le nucléaire, les relations incestueuses entre EDF et Enedis nous ont conforté dans une certaine idée de l’importance de ce combat.

Une importance que nous pourrons porter ailleurs, dans d’autres sphères, sous d’autres formes, mais toujours avec détermination, car nous savons.  

Histoire et bilan de l’ère nucléaire

Du militaire au civil : le retraitement au service de la dissuasion

Je suis arrivée sur la marche à Bricquebec le quatrième jour et, ce jour-là, la conférence portait sur l’extraction du plutonium à la Hague. C’était une entrée en matière saisissante tout autant qu’affligeante de comprendre l’agenda politique qui se cachait, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, derrière le déploiement du nucléaire comme source d’énergie civile. En effet, dans le contexte du début de la guerre froide et de la renaissance militaire de la France finalement victorieuse, les politiques, en particulier le général de Gaulle, ont créé le programme nucléaire civil français pour déguiser leur volonté impérieuse de développer la bombe atomique au plutonium (celle déployée lors de l’attaque terroriste américaine sur Nagasaki, différent de la bombe à l’uranium d’Hiroshima). Ce choix stratégique impliquait de produire du plutonium, qui n’existe pas à l’état naturel et ce, par l’utilisation de réacteurs nucléaires et du retraitement du combustible usé, qui contient moins de 1% de plutonium, pour l’extraction de ce dernier. Une entreprise complexe, polluante, demandant de déployer un budget et une force de travail considérables qu’il fallait bien déguiser sous une couverture acceptable pour l’opinion. Et c’est ainsi que, alors qu’il ne s’agissait que d’une externalité d’une politique militaire qui a permis le développement et le remplacement de centaines de milliers de têtes nucléaires au cours du XXe siècle, les réacteurs nucléaires français furent présentés dans le discours politique comme des usines à énergie et l’usine d’extraction du plutonium de la Hague comme une usine de retraitement des déchets alors qu’elle ne réduit aucune radioactivité et qu’elle ne fait que produire lors du processus d’extraction du plutonium davantage de déchets nucléaires pour lesquels aucune solution pérenne n’existe, seulement des projets de stockage en surface, d’enfouissement et de dispersion sur le territoire dans des matériaux de construction…

Le discours ambiant rassurant sur le retraitement parle toujours de matériau recyclable qui pourrait être utilisé dans des réacteurs nouvelle génération mais ces technologies, coûteuses et dangereuses comme les EPR, Superphénix et différents réacteurs dit Moxés, ne sont pas au point (malgré le fait que la France les vend à l’étranger, en Angleterre, en Inde, etc) et on peut espérer pour le bien de l’humanité qu’elles ne le seront jamais, au point, pour éviter de faire peser sur les populations un risque de catastrophe à côté de laquelle Fukushima ferait figure d’incident sans gravité.

Aujourd’hui, le constat est assez terrifiant puisque le stock de plutonium (une matière dangereuse dont la surveillance doit être militarisée) en France est tel que désormais on réfléchit à en réinjecter dans les réacteurs pour le faire « disparaître »… on continue pourtant à l’extraire du combustible irradié car on ne peut reconnaître politiquement que la Hague a toujours été un outil militaire et on préfère nager consciemment dans l’absurde, causant aux écosystèmes et populations normandes des dommages irréversibles.

Nucléaire et démocratie : autoritarisme et centralisation

Le constat du lien fort entre l’Etat français dans sa puissante militaire et le lobby du nucléaire dans le pays permet de mieux comprendre les décisions arbitraires, la répression et les mensonges qui jalonnent partout le chemin du militant anti-nucléaire. On se souvient des images de la répression policière à Plogoff en 1980 où des dames âgées se font frapper au sol et du nuage de Tchernobyl « bloqué à la frontière » ; on ne s’étonne plus de l’entêtement, pourtant insensé, de l’Etat à construire à Flamanville un EPR déjà défectueux, dangereux et insuffisamment protégé des actes de malveillance (affaire du vol des 150 cadenas, affaire du survol du parc nucléaire par des drones, probablement israéliens ou russes que je vous laisse chercher dans la presse) avant même sa mise en fonction, ou encore plus récemment des miliciens de l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs) qui versent de l’essence sur des militants à Bure qui s’opposent à la destruction illégale de la forêt.

Aujourd’hui, le parc nucléaire français vieillit et sa vétusté non anticipée économiquement fait peser une lourde menace sur la sureté nucléaire et sur la sécurité énergétique globale de la France, dans le contexte de défaillances de plus en plus fréquentes et du changement climatique qui force des arrêts incessants de réacteurs, par défaut de refroidissement, sans compter le réchauffement des cours d’eau qui menace la vie halieutique. Le nucléaire a toujours été considéré comme une énergie peu chère, sans considération de la gestion des déchets sur des périodes « géologiques » dont le dimensionnement économique est impossible. Aujourd’hui, avec le projet du « grand carénage », autrement dit le grand rafistolage du parc nucléaire français, EDF se met dans une situation économique impossible en n’ayant pas envisagé la fermeture et le démantèlement et en poursuivant une fuite en avant financièrement démentielle et dangereuse. Comme pour quasiment tous les projets imposés par l’Etat dont les coûts sont systématiquement sous-estimés, la cour des comptes double ou triple les chiffres annoncés par EDF pour arriver à plus de 100 milliards d’euros pour donner seulement 10 ou 15 ans de plus d’un sursis bancal aux 19 centrales françaises et leurs 58 réacteurs, plutôt que de mettre cet argent dans la transition énergétique et le démantèlement, de toute façon indispensables.

Cet argent qu’EDF n’a pas actuellement du fait de sa situation financière catastrophique pourrait être récupéré auprès de l’économiquement florissant prestataire Enedis dont il est actionnaire majoritaire (à 70%) lors du déploiement sous-traité et sauvage du compteur connecté Linky. Cela explique les méthodes abjectes d’Enedis contre la résistance citoyenne aux remplacements des compteurs via des violations multiples de la loi (violation de la propriété, installations de nuit, intimidations des personnes vulnérables, …). Résister contre Linky est donc indirectement une action contre EDF et son programme nucléaire.

Le nucléaire est un argument fort de la centralisation du pouvoir national, seul capable de gérer des menaces aussi importantes que la dangerosité des réacteurs et autres sites nucléaires qu’il a lui-même mis en place. C’est par là une menace politique à la démocratie et l’autodétermination du peuple et une prise d’otage, notamment dans le cas d’une révolution, une guerre civile ou un effondrement de civilisation (ce qui n’est dans les faits qu’une question de temps).

Nucléaire et déchets : le projet-clé d’enfouissement à Bure

La problématique des déchets n’est pas nouvelle. Depuis le déploiement massif de cette énergie, et pas seulement en France, outre la sécurité et la sûreté, les gouvernements ont dû faire face à un nouveau type d’externalités qu’aucune autre industrie ne peut se targuer de produire : des déchets hautement toxiques, sans dose d’innocuité, dangereux sur un nombre de générations humaines inquantifiable. Jusqu’ici, la « gestion » a toujours été contournée, éludée et les déchets, aujourd’hui évalués à 1,5 millions de m3 en France (près de 5 millions prospectifs pour le démantèlement du parc existant) sont aujourd’hui un peu partout, aussi là où ils ne devraient pas être, « stockés » près des installations, dans des conditions mauvaises, avec une saturation désormais totale de toutes les structures, déplacés ça et là en fret ferroviaire trop peu radio-protégé. C’est comme si on avait construit un superbe loft sans prévoir de toilettes et qu’on se demandait seulement maintenant s’il valait mieux faire nos besoins dans la cuisine, dans la chambre, dans le bureau, centraliser ou en mettre un peu partout.

Mais revenons sur la production. Schématiquement, à la sortie d’un réacteur et une fois le plutonium extrait du combustible usé, 95% de ce qu’il reste sont des déchets de faible ou moyenne activité, stockés en surface ou à faible profondeur, mais le plus problématique reste les 4 à 5% qui constituent ce que l’on appelle les déchets HA pour Haute Activité qui sont très radioactifs (> 1GBq/g) et dont la demi-vie va de 100 jours à la bagatelle de 10 millions d’années. Là intervient le sulfureux projet CIGEO à Bure qui rencontre ce que j’appellerais sobrement « une certaine résistance ». L’idée est d’enfouir ces déchets, les plus dangereux, à 500 mètres de profondeur, dans une forêt (le bois Lejuc). Non content de s’occuper simplement de nos déchets franco-français (chacun sa merde !), l’ANDRA aime bien en importer, histoire de vendre la solution miracle du retraitement et de l’enfouissement contre de très juteux contrats, notamment au Japon et à l’Allemagne. S’il est courant de se poser la question de « ce qu’on peut bien faire d’autre que de les enterrer », l’idée que l’on ne pourrait pas les garder en surface (à l’œil) est facile à démonter puisque la place est bien trouvée pour la majorité du volume produit (les FA et MA, faible et moyenne activité). On dirait bien donc qu’on essaye de mettre la poussière radioactive sous le tapis. Il est inconsidéré pourtant de penser qu’une telle installation pourrait tenir une centaine de millénaires avec une maintenance adaptée. C’est absurde de même le suggérer alors que notre civilisation technologique ne peut pas survivre à l’érosion de la biodiversité et au pillage des ressources qui menacent la stabilité de tout un paradigme social. 100 000 ans pour une installation nucléaire, à côté les pyramides sont des jouvencelles, c’est un peu effarant. Pourtant, il est manifestement outrancier pour l’ANDRA et par extension pour le gouvernement que des personnes s’opposent à ce projet et les militant.e.s anti-Bure sont surveillé.e.s de près ; l’occupation est sévèrement réprimée et les lieux de résistance perquisitionnés dans l’illégalité. Pour la blague, la conférence sur Bure s’est déroulée dans une yourte sur un éco-lieu et nous avons été survolé.e.s par un hélicoptère durant la discussion, un peu de plus et on se serait cru à Notre-Dame des Landes.

Nucléaire et santé : héritage de Tchernobyl et mensonges d’Etat

Le sujet de la santé et du nucléaire a été évoquée plusieurs fois et je ne m’attarderai pas forcément sur cet aspect car les informations que j’ai ne sont pas d’une grande précision et je préfère vous renvoyer vers l’association ETB (Enfants Tchernobyl Belarus) qui fait un travail fantastique de financement d’un institut de radio-protection indépendant qui permet aux populations de Biélorussie touchées par l’accident de Tchernobyl (le nuage est partie vers le nord-ouest donc malgré le fait que Tchernobyl fut en Ukraine, la Biélorussie est davantage touchée) de pouvoir mesurer le taux de radioactivité des enfants et la radioactivité de leur nourriture pour identifier les sources de contamination. Les mensonges qui entourent Tchernobyl sont si grands que je ne peux que vous en donner un aperçu : aujourd’hui seuls 15% à 20% des enfants de la zone contaminée naissent en bonne santé, 10% avec des multiples maladies chroniques et la situation sanitaire s’aggrave en raison de l’instabilité génomique provoquée par l’accident sur la population, en absence de nouvelle contamination. La zone de Fukushima, quant à elle, reste désertée par sa population la plus jeune, seuls les anciens étant revenus dans leurs lieux d’habitation. Dans cette province, des écoles, crèches, salles de sport et salles des fêtes toutes neuves attendent une population qui n’y reviendra jamais, ne croyant pas à la propagande du gouvernement qui voudrait que la zone sinistrée retrouve sa prospérité et sa densité d’antan, en négation totale de la réalité de la contamination du sol, de la végétation et des constructions humaines.

Nucléaire et effondrement : un désastre annoncé

Quand j’envisage un sujet, je le place toujours dans un contexte d’effondrement (c’est mon côté optimiste !). La collapsologie doit être envisagée de façon transversale puisque le changement de civilisation implique forcement des refontes profondes des fonctionnements en place, des systèmes de valeur. J’étais assez surprise qu’aucune conférence ne lie spécifiquement nucléaire et effondrement mais j’imagine aussi qu’il faut toujours, même en parlant de Tchernobyl, garder une vision résolument optimiste de l’avenir possible à partir de l’existant. Hors, quand on pense à l’effondrement, il est assez complexe d’envisager une fin heureuse sans que le parc nucléaire n’ait été démantelé ou a minima les centrales arrêtées avant le collapse. Les conséquences d’un défaut d’approvisionnement en eau, en électricité, une impossibilité ou un refus des employé.e.s de se rendre sur leur lieu de travail pour prévenir la catastrophe et on se retrouve devant une situation immédiatement apocalyptique, avec un effet domino possible. L’urgence de sortir de cette énergie est avant tout là pour moi, il s’agit d’éviter que l’on ait à gérer cela pendant une grave crise alimentaire, une révolution ou un nouvel ordre mondial, quel qu’il soit, dont les dirigeant.e.s pourraient tirer partie pour faire du chantage sécuritaire à la population. Utiliser une crise pour déclarer l’état d’exception, n’est-ce pas ce que de tout temps les marchands ont fait pour faire avancer leur idéal de domination et de contrôle, sous de fallacieux prétextes sécuritaires, en réponse à des problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés ?

Alternatives : les solutions renouvelables et leur véritable impact

Puisqu’il ne s’agit pas seulement de dire non mais de proposer des choses très concrètes, de nombreuses conférences sur les énergies renouvelables, le stockage et la décentralisation de l’énergie ainsi que sur les externalités des éoliennes et panneaux solaires furent proposées. Elles ont été l’occasion pour moi de comprendre l’évolution de ces énergies et de relativiser leur impact, que l’on juge toujours grand. Mais il faut aussi comparer ce qui est comparable. Alors qu’aujourd’hui il existe des technologies de panneaux solaires entièrement recyclables, il faut garder à l’esprit que, même si ça n’était pas le cas, les conséquences de leur retraitement et l’extraction des métaux rares ne seront jamais aussi graves que celles du déni des externalités du nucléaire. Au-delà de ces considérations, les possibilités de créer des projets individuels et collectifs, portés par des citoyen.ne.s, permettent d’envisager sérieusement une décentralisation forte de l’énergie, donc moins de perte dans les installations HT, probablement davantage de sobriété (si je produis moi-même, je consomme moins car je sais ce que ça « coûte »). Tout le monde y gagne, enfin, peut-être pas EDF. Meilleur ne veut jamais dire meilleur pour tout le monde.

Paysages normands et franciliens

Marcher crée un lien fort entre les gens, passer du temps ensemble à lever le nez vers l’horizon, à regarder les champs à perte de vue, à chercher la route, à deviser sur les plantes sauvages ou les histoires personnelles. Parcourir l’espace entre le Cotentin et la capitale en un mois nous rappelle que notre pays n’est pas si vaste, une information qui, avec la prédominance systémique de la voiture individuelle, échappe à notre perception. Pourtant, c’est aussi cela, remettre de la lenteur dans notre civilisation, qui pourrait en empêcher l’effondrement. Le moyen donc, la marche revendicative, au-delà de la cause, appelle à une réflexion.

Lentement, sans hâte, nous avons longé les champs de lin, de maïs, de blé tout juste moissonné, les canaux, les rivières, la Seine, les villages, les châteaux, les collines, les sources, nous arrêtant pour observer la faune, la flore, discuter avec les autochtones curieux, les sceptiques et les réfractaires. Un millier de tracts, de personnes sensibilisées, de citoyen.ne.s aux conférences. Nous avons entendu des klaxons de soutien sur toutes les routes, des voix d’encouragement sur tous les chemins. Et nous avons finalement atteint la Défense puis les Invalides. Il fallait bien que cela s’arrête à un moment.   

Continuer de marcher

Partir de la Marche ne s’est pas fait sans un peu de tristesse. Pourtant, de part les hasards qu’elle a fait naître, les ami.e.s qu’elle a réuni.e.s, les discussions animées qu’elle a engendrées, la Marche ne se finit pas vraiment dans le temps. Ainsi chacun.e de notre côté, nous continuons de cheminer, de convaincre, d’aller vers cet avenir sans nucléaire auquel nous aspirons tou.te.s.

Un monde sans cette épée de Damoclès qui nous menacerait à tout moment, ou du moins un monde où ce risque n’est pas nié, puisque dès lors que des déchets existent déjà, il faudra les gérer. Sortir du nucléaire demande de se retrousser les manches, d’ouvrir grand les yeux sur la réalité de ce que cette énergie nous coûte, non pas financièrement mais écologiquement, humainement, démocratiquement, au niveau de la résilience de notre civilisation.

Malheureusement, c’est comme fumer, il ne fallait pas commencer !

6 septembre 2018

Le contour (perméable ?) de mes convictions

Une histoire de prisme

Si j’ai abordé beaucoup de sujets dans ce blog, toujours liés à mes convictions, à cette façon dont j’aborde le monde qui m’enjoint à convaincre sur les questions qui me semblent à l’instant t être centrales et devoir être développées pour penser une rupture idéologique, je n’ai jamais en revanche tenté de parler de la manière dont se sont construits et évoluent dans le temps mon système de pensée et les biais paradigmaux qui me font accueillir ou rejeter des opinions, des informations.

C’est pourtant, en tant que militante, une thématique que je devrais trouver depuis toujours brûlante, puisque l’on ne peut tirer l’énergie pour une lutte que de certitudes, qui peuvent évoluer, mais qui sont, au moins sur le moment, la seule réalité que l’on peut discerner.

Nous vivons dans une civilisation hors sol où une grande partie des informations que nous recevons passe par des intermédiaires. L’information générale repose souvent sur des images, des textes, des interprétations, des subjectivités normalisées qui servent un but, la paix sociale a minima. La science, quant à elle, nous donne à voir des résultats, sans que les données brutes ne nous soient accessibles, sans souvent que les raisonnements qui amènent à la conclusion ne nous soient pleinement compréhensibles en tout point. Les seules choses dont nous pouvons nous targuer d’être certain.e.s renvoient à notre sphère intime, à notre activité confinée. Une construction mentale fragile se met donc en place au cours de la vie autour de nos expériences personnelles, subjectives mais réelles et aussi les expériences des autres, présentées comme objectives mais tout aussi subjectives et surtout liées à des constructions mentales « allochtones » (dans le sens d’étrangères à la nôtre). C'est cette construction mentale personnelle en évolution constante que j'appelle le prisme de pensée. Car tel un prisme, elle dévie la lumière, elle déforme ce qu'elle voit pour le rendre conforme à son contrôle.

Ce prisme que nous nourrissons, pourtant fragile et dont la géométrie est souvent basée sur des mensonges et vérités tronquées, nous le défendons pourtant avec une férocité telle que nous pourrions nous couper des personnes qui nous sont le plus chères pour conserver son intégrité. Parfois d'ailleurs, nous le faisons. L’on cherche toujours une atmosphère sociale qui nous conforte, l'on lit les media qui disent ce que l’on a envie d’entendre. Facebook le sait pertinemment et, pour que vous passiez un maximum de temps à faire descendre votre fil d’actualité, il n’y met que ce que vous pouvez apprécier, qui ne vous énerve pas, ne vous choque pas. Il n’y a pas forcément dans le mien les publications de mes contacts qui partagent sur En Marche ou qui disent que le Nutella, c’est fantastique. Facebook fait le tri pour moi et si je vois un élément qui ne me plaît pas ou si quelqu’un commente une de mes publications de manière hostile, je vais me poser la question de le supprimer de mes amis. « Je le connais d’où déjà ? On n’a jamais vraiment été proches, je savais pas qu’il était comme ça. » On croit que ce que l’on lit modèle ce que l’on pense mais la plupart du temps, c’est l’inverse qui se produit. Pourtant, les voix discordantes enrichissent car elles questionnent la solidité de notre raisonnement.

Croire et croître

Si, par exemple, je vois la vie à travers le prisme suivant « Les puissants ont des intérêts différents des vraies personnes comme vous et moi. », la question que je me pose lorsque quelque chose que je ne peux vérifier est affirmé, est « Qui le dit ? » et « Quel est l’intérêt de cette personne à présenter les choses ainsi ? ».

Prenons l’exemple du changement climatique, un sujet absolument capital. En tant que scientifique de formation, je sais qu’un chercheur est souvent comme un journaliste de BFM TV. Il sait exactement ce qu’il veut trouver, où il veut aller, il fait dire aux chiffres ce qu’il veut, il remplit le raisonnement d’images et de graphiques et lorsqu’il fait une régression linéaire, il trouvera toujours un R² suffisant pour se convaincre que son hypothèse était bonne. J’ai approché de bien près le milieu de la climatologie et clairement, peu de gens ont une vue globale de ce qu’il se passe et montrer quelque chose de cohérent quand rien n’est évident est juste une question d’aptitude rédactionnelle.

Lorsque j’écoute le discours d’un climato-sceptique tel que Vincent Courtillot, je peux être convaincue par le raisonnement. Je ne dis pas que je le suis mais enfin, rien ne l'empêche a priori, si ce n'est mon prisme. Les idées mathématiques développées sont cohérentes, mes vagues notions de dendroclimatologie ne sont pas en contradiction avec ce que j'entends. Qui croirai-je alors ? La doxa dominante ou quelqu’un qui sort de nulle part et cherche peut-être juste à faire des vues sur Youtube (c’est aussi un but en soi aujourd’hui). Peut-être le réchauffement climatique n’est-il qu’un leurre, un hold-up, pour nous détourner de la lutte des classes et pouvoir avancer dans le contrôle des masses en déclarant l’état d’urgence climatique ? Peut-être fera-t-il dans cinq ans 55° en été en Afrique et en Asie du Sud-Est et les migrations seront telles que notre civilisation s’effondrera ? Qu’en sais-je depuis mon ordinateur en lisant des articles ? Je peux raisonner, regarder les données, tout restera toujours affaire de croyances. Mon prisme détermine ce que je choisis de croire, davantage que la rigueur de l'information.

La science en tant qu'apport de données extérieures que l'on choisit de croire ou pas est une foi, finalement. J’aime jouer avec les mots et penser alors qu'au lieu de croyants, nous pourrions être des croissants (ceux qui par la vie deviennent plus grands, pas les viennoiseries pur beurre). Moi qui suis plutôt décroissante, qui l’eut cru ? Qui eut crû ?

Croire, croître, ça peut être regarder un arbre, un œil, un aigle, une veine dans le poignet de l’être aimé et y voir une intention. C’est empirique je dirais. Un apparté pour ajouter que, dans le prisme de la pensée, l'intuitif tient également une place essentielle.

Aucune remise en question n'est a priori stupide, aucune réflexion inutile. Pourtant, dans la génération Power Point et TED-X, c’est le dernier qui a parlé qui a raison. On sait déjà où on t’emmène avant de commencer, c’est convaincant certes, le raisonnement est plein, rond, verrouillé. On te dit « vous devez bien être d’accord avec moi que 1+1=2 ? » Sauf qu'il s'agit là d'un point de vue, systématiquement. La somme en question ne peut-elle pas être est supérieure à la somme des parties ? La vie pourtant par définition est 1+1=3. On peut considérer cela comme une vérité scientifique ou attribuer cela au divin. Dans les deux cas, ces vérités coexistent en harmonie.

Appréhender et respecter une altérité de la pensée

Dans la compréhension de schémas de pensée différents interviennent l’interprétation, la représentation et les canaux nourriciers de communication (la façon dont l’on doit nous parler pour que l’on soit apte, en fonction de notre personnalité, à comprendre et à se nourrir des stimuli reçus), qu’ils soient factuels, empathiques, qu’ils fassent appel à l’imaginaire ou à l’action. Ce qui nous nourrit ne nourrit pas forcément l’autre. J’entends nourriture terrestre ou psychique. Je ne peux pas choisir pour l’autre ce qu’il est bon pour lui de manger, je ne peux pas choisir pour l’autre ce qu’il est bon pour lui de croire, de souhaiter pour sa vie. Je peux simplement lui donner à voir des choses qui sont hors de son champ des possibles, de sa zone de confort, invisibles par son prisme, subversifs. Subversif pour un libertaire, cela peut être traditionnaliste, nationaliste, religieux. Les choses les plus étonnantes surgissent d’espaces inconnus, obscurs, rangés sous le tapis, souvent volontairement. Ce que l’on pense parfois être le fruit de l’endoctrinement peut en fait être l’aboutissement d’une réflexion très puissante et donc, a minima, il vaudrait le coup de respecter l’autre, de chercher à comprendre ce qui l’a mené ici, ses expériences, ses joies, ses souffrances, ses partages. C’est accepter d’être bousculé, redéfinir les contours de son prisme, le polir pour qu’il renvoie toujours davantage de lumière, d’amour, de vie. Dans le but de l’union toujours, c’est de cela dont il s’agit, agir en tant que groupe, en tant qu’espèce pour, non pas différer, mais empêcher l’effondrement ou, a posteriori s’il advient, être capables de le transcender.

C'est facile de refuser la remise en question. On trouve toujours des choses pour prouver ce que l’on pense. Certains partent en croisade contre les écolos parce qu’ils croient que la science et la technologie peuvent tout. C’est un prisme. Ils utiliseront le mot "bio" comme une insulte, éviteront soigneusement de parler d’autodétermination des peuples, d’évoquer le brevetage du vivant par les multinationales, de parler cultures vivrières et végétarisme, reconnexion à la terre. Ils diront "bio industrielle, colonisatrice, rendements inférieurs et donc élitistes, faim dans le monde aggravée". Il y aura beaucoup de choses vraies là-dedans. Beaucoup trop à mon goût. On trouvera l’étude qui dit que telle substance cancérigène finalement ne l’est pas, que tel vaccin a empêché l’humanité de s’éteindre, que le soja est un perturbateur endocrinien, que le végétalisme est une dangereuse monstruosité dont il faut éloigner nos enfants à tout prix. Il y a toujours une étude indépendante qui prouve ce que l’on pense. La preuve de la subjectivité de la science.

Chercheuse de vérité...

Mon prisme écolo-anarcho-végétaro-animiste est tout aussi réducteur qu'un autre, violent avec ce qu’il rencontre et qu’il ne veut pas voir. Je me force, j’essaye, je regarde à côté du prisme, je me frotte les yeux, ça déforme, je n’aime pas ça. Parfois, cela me conforte dans mes schémas car le raisonnement tenu ne me convient pas, ne convient pas à mon système de valeurs. Est-ce à ce moment-là parce que je rejette en bloc le « système » ? Parce que cela est contraire à des valeurs que je dois à mon éducation ? A mes expériences, donc construites avec les temps, malléables ? Les militants le savent bien, on peut faire des allers-retours dans ses convictions, tout n’est pas un aller simple, on peut revenir de certaines puretés radicales, revenir du véganisme, de la décroissance absolue, du zéro déchet, ... Cela ne signifie pas que l’on pensait avoir tort mais que l’on en tire pas ce que l’on imaginait. L’important est d’en revenir en conscience, en sachant ce que cela implique pour soi-même et pour les autres, vivre selon ses valeurs avec les autres plutôt que sans eux, en sachant que tant que des 4x4 rouleront, faire du vélo ne changera rien, pas plus que ne le font les douches courtes ou les repas végétariens bio hebdomadaires à la cantine. Ces gestes, cette poudre aux yeux, repeignent le capitalisme en « vert BNP » et lui donnent, sous perfusion idéologique, dix ou vingt ans d’agonie de plus, le temps de saccager davantage d'écosystèmes.  Les écogestes, le colibri, la culpabilisation des masses sont de très puissants outils anti-insurrectionnels systémiques comme les media de masse, le RSA, la société du spectacle et du divertissement en général où rien ne peut être grave puisque, le lendemain, on parle d’autre chose.

Etre un.e chercheur.se de vérité, c’est accepter qu’elle n’ait rien d’évident, jamais, même quand il semble qu’on ait trouvé une grille de lecture au monde. C’est accepter qu’elle soit multiple et transitoire. Que celle qu’on nous sert, écrite par les vainqueurs, a un goût amer de mensonge. « History » n’est-elle pas « His Story », son histoire, sa version des faits, celle de l’homme blanc bourgeois ? Et que donc la bataille la plus féroce soit de ne rien laisser oublier de la lutte, des oppressions, de l’émancipation arrachée, des victoires populaires sur la domination, des victoires de l’humain sur lui-même, sur sa propre médiocrité. Je raffole en cela de la littérature libertaire, de l'histoire cachée, oubliée, des luttes. Ce dont nous ne devons jamais douter pour gagner, c’est que nous en sommes capables car nous l’avons déjà fait mille fois ! Nous sommes tous zapatistes, communard.e.s, zadistes, deboutistes, paysan.ne.s indien.ne.s en marche. Nous sommes le monde.

Si la vérité est une pelote de laine, commençons par la saisir, même simplement pour la faire rouler dans notre main, le reste viendra de lui-même.

"Un mensonge peut faire le tour de la Terre, le temps que la vérité mette ses chaussures." Mark Twain

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Résistance et transition
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