Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Résistance et transition
18 août 2016

De l'inégalité parmi les sociétés - Jared Diamond

nh6_diamond1b

De toutes les questions posées par les actuelles dynamiques socio-économiques et géopolitiques, l'écrasante majorité est indéniablement englobée par la question de la suprématie de l'Eurasie et des alliances qu'elle a forgées pour l'asseoir et la maintenir. Il ne s'agit pas dans cette tentative d'y répondre de partir d'un point de vue qualitatif ou dogmatique mais d'engager une recherche objective des causes environnementales des inégalités actuelles et de la pression pour les ressources exercée aujourd'hui par l'Occident sur le reste du monde.

Comment en est-on arrivée, en résumé, à une Europe conquérant le Nouveau Monde (les Amériques), l'Afrique et l'Océanie, à l'exception de quelques îlots hostiles ou inaccessibles ? C'est la question à laquelle s'attèle Jared Diamond, l'auteur du prophétique "Effondrement", dans cet essai de plus de 600 pages sur les origines de la domination d'une partie du monde sur le reste.

Il faut avouer que le questionnement lui-même amène à bousculer certains tabous. Il dérange simplement par sa formulation. Car si l'on commence à poser la question, cela amène à d'immédiates conséquences : accepter cet état de fait des massacres et pillages perpétrés par notre civilisation, aller donc contre le déni ambiant et embrasser la non-légitimité de la richesse sur laquelle l'Occident s'est construit, mais aussi s'engager sur un terrain que personne ne semble vouloir emprunter, rechercher les causes de la domination et risquer de patauger dans la fange du suprémacisme blanc. Il n'est rien de plus éloigné ici de la volonté de Jared Diamond, qui livre une étude complète de géographe sur la façon dont l'environnement et les conditions initiales de conquête spatiale des civilisations ont forgé les dynamiques actuelles.

Ce livre se découpe en une quinzaine de chapitres évoquant, par ordre logique et chronologique, les facteurs environnementaux qui ont amené l'Eurasie à développer une culture étatique tandis que d'autres autochtones sont restés des chasseurs-cueilleurs. Sans nécessairement vous gâcher la lecture d'un livre parfaitement articulé, je vous propose une approche simplifiée mais, je l'espère, n'écorchant pas le propos. Ce questionnement qui englobe tous les autres est important à cerner pour tout militant ou toute personne qui se réclament simplement de l'humanisme.  

Je crois avoir, par la lecture du livre, retenu trois aspects environnementaux généraux autorisant des raccourcis sans entacher la pertinence et la justesse de l'étude.

De la domestication des plantes

Le développement d'une culture humaine complexe reposant sur la spécialisation des métiers et une hiérarchie de notables ne peut s'envisager que dans le cadre d'une production alimentaire sous forme d'agriculture. Les populations de chasseurs-cueilleurs sont extrêmement limités dans leur possibilité de se spécialiser car une grande partie du temps de vie est dédiée à la recherche de nourriture. L'Eurasie et surtout l'Europe, dans cette optique, a bénéficié de deux atouts considérables : un climat doux et surtout ne souffrant pas d'extrêmes pluies ou sécheresses, mais aussi, par une évolution biologique favorable des plantes sauvages sous ce climat, d'un nombre considérablement supérieur de plantes domesticables en comparaison des autres continents.  

Diffusion des cultures : avantages de l'axe ouest-est du continent eurasien

Lorsque l'on regarde sur une carte, on s'aperçoit aisément que le continent eurasien est le seul à posséder un immense axe ouest-est. L'Afrique est peu large et traversée par le Sahara. L'axe principal des Amériques est nord-sud, coupé en deux ou presque par l'isthme de Panama. L'Océanie est une poudrière, peu propice aux échanges culturels intenses entre régions, même avec de bons bateaux. L'avantage conféré par cet axe ouest-est de plus de 12.000km n'est comparable à aucun autre ; il permet la diffusion des plantes domestiquées qui s'adapteront facilement tout le long des parallèles du globe grâce à des climats favorables. Il encourage également les déplacements humains et le commerce, formidable émulateur de développement technologique par le partage de connaissances mais aussi de concepts et de faisabilité (émulation créatrice et inventive), par la faible présence de barrières naturelles et la quasi-absence de maladie tropicales.

Croissance démographique : massacres avec et sans épée

De par l'arrivée précoce de l'homme sur le continent eurasien depuis l'Afrique, de nombreux mammifères ont co-évolués avec l'humain, permettant la survie et la différenciation d'une abondante macrofaune (à l'inverse des continents peuplées tardivement comme l'Australie et les Amériques où la macrofaune, qui ne craignait alors pas l'homme, a été exterminée). La macrofaune africaine est pour la même raison la plus riche encore aujourd'hui mais aussi la plus sauvage et indomptable, justement parce qu'elle a connu l'apparition du genre Homo sur Terre et coévolué avec lui depuis le début. Le nombre d'espèces animales domesticables, comme pour les plantes, fut très supérieur en Eurasie et, de fait, fut à l'origine de la principale raison de la disparition des peuples autochtones en Amérique et en Océanie : les germes qui ont muté des animaux domestiques pour devenir des maladies humaines spécifiques. Ce facteur, combiné à l'écrasante domination technologique des Européens, mena à la quasi-disparition des indigènes sur tous les continents.

Quid des différences génétiques ?

Pour ainsi dire, Jared Diamond ne les aborde pas, il balaye d'un revers de main l'hypothèse selon laquelle la génétique des populations joua le moindre rôle sur l'histoire des cultures humaines. Régulièrement et grâce à une rigueur scientifique exceptionnelle, il rappelle que lorsque la domestication d'une plante ou d'un animal, l'invention d'une technologie ou une assimilation culturelle avec des voisins apportait une amélioration nette de la qualité de vie d'une société et que cette dernière était réceptive à cette époque précise, elle a eu lieu, sans considération aucune des populations concernées. Il rappelle ainsi que les peuples ne possédant pas aujourd'hui d'agriculture ni de technologie avancée sont le résultat d'une évolution simplement différente et qu'ils ne peuvent pas être considérés comme "intellectuellement" primitifs puisque c'est un environnement hostile à l'agriculture qui les a fait développer la chasse et la cueillette, plutôt qu'une quelconque déficience.

En somme, une lecture saine et intelligente qui permet de relativiser beaucoup de nos croyances passives sur la supériorité empirique de certaines civilisations sur d'autres.

Publicité
Publicité
Résistance et transition
  • Ne vous y trompez pas ! Le colibri de la fable ne trie pas ses déchets, il ne prend pas des douches plus courtes, il ne fait pas du covoiturage, il utilise la totalité de son énergie vitale pour éteindre l'incendie dans la forêt qu'il aime. Soyons uni.e.s.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité