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Résistance et transition
12 juillet 2016

UEMSSI 2016 à Besançon : Atelier 1 - Smartphones au Sud

Notes prises à l'occasion de l'Université d'Eté des Mouvements Sociaux et de la Solidarité Internationale 2016 du 6 au 9 juillet sur le Campus de la Bouloie à Besançon.

Atelier « Smartphones et médias sociaux au Sud, des révolutions en cours… au service d’autres développements ? »

Je me suis rendue à cet atelier un peu par provocation étant donné ma critique ouverte vis-à-vis des smartphones, du coût social et environnemental de leur fabrication, du caractère immensément transitoire de cette technologie qui n’est pas soutenable d’un point de vue des matières premières, et de toutes les dépendances associées (dépendance à la technologie elle-même, aux multinationales qui la produisent) ainsi que le problème de la gestion et de l’utilisation commerciale des données récoltées sur les consommateurs. Néanmoins, je sais aussi que les smartphones rendent actuellement, notamment en Afrique, des services considérables au niveau social, sanitaire et économique, qu’il est difficile de dénier. Il me semblait donc pertinent de me renseigner sur cette problématique et de mettre un peu d’eau dans mon vin au contact de personnes ayant une opinion radicalement opposée, ce qui est toujours enrichissant.

Les intervenants de l’atelier faisaient partie de quatre associations utilisant les réseaux sociaux pour sensibiliser à leurs problématiques, notamment :

- l’OADEL, ONG sensibilisant à la consommation de produits locaux plutôt qu’importés et à la nutrition de bonne qualité en général au Togo

- Pour un Autre Monde, autre ONG œuvrant auprès des étudiants pour limiter l’exode rural en sensibilisant pour la restauration des terres dégradées via la permaculture et le reboisement au Burkina Faso

- Le GRAD, une ONG et maison d’édition avec pour thématique le développement durable (notamment livres pour enfants)

- Le GREF, GRoupement des Educateurs sans Frontières

Quelques chiffres

Il y a dans le monde 7,4 milliards d’êtres humains et les chiffres les plus récents font état de 7,4 milliards de téléphones mobiles utilisés par 5 milliards de personnes. C’est davantage que les équipements sanitaires de base (douche et toilettes). Parmi ces 7,4 milliards de téléphone, 3 milliards sont des smartphones.

Au Brésil, le temps passé sur les réseaux sociaux est désormais supérieur au temps passé devant la télé.

28% du temps passé sur Internet mondialement concerne Facebook.

7% seulement des informations diffusées sur les réseaux sociaux sont des informations dites « dures », faisant état de fait informatifs nationaux, internationaux, culturels, de sensibilisation…

Discussion

Les usages des réseaux sociaux et applications pour smartphones ont explosé au Sud durant les cinq dernières années menant à des utilisations inattendues et spécifiques à la situation des pays les moins avancés. Trois ont été développées :

- Un système d’information en temps réel sur le cours d’une denrée brute sur les marchés internationales permet au producteur de réclamer un prix juste lors de la vente de son stock, lui évitant d’être floué par des grossistes et intermédiaires peu scrupuleux.

- L’apparition de la cartographie participative permet de lutter contre de nombreux fléaux comme la corruption et tous les types de violence en signalant et géolocalisant les problèmes, permettant selon le cas une intervention de la société civile, un boycott, une protection des victimes.  

- Dans le domaine de la santé, pour les zones reculées où le personnel médical et insuffisant ou insuffisamment formé, les smartphones permettent de transmettre des informations aux médecins, de la simple prise de tension au diagnostic complet, voire à rendre possible, dans des cas extrêmes, une opération chirurgicale à distance.

L’Afrique de l’Ouest notamment utilise désormais le smartphone comme un outil de vie quotidienne ayant remplacé la carte bancaire via le transfert d’argent par SIM, même dans les villages les plus reculés. Cette utilisation, qui a considérablement simplifié la vie des habitants et rendu certaines activités et développements possibles, tout en sécurisant les transferts, posent des problèmes éthiques considérables vis-à-vis des multinationales et notamment d’Orange, dont le but non dissimulé est de faire rentrer les individus les plus pauvres, généralement considérés non solvables, dans le système économique mondial. La surtaxation des transactions financières les plus faibles et les prix élevés des communications ont mené à un boycott de l’opérateur au Mali couronné de succès. La concurrence entre de très nombreux opérateurs (en Afrique, les utilisateurs ont jusqu’à cinq cartes SIM d’opérateurs différents et s’en servent en fonction de la couverture proposée et des promotions tarifaires) permet de maintenir des prix soutenables. Il faut néanmoins considérer avec suspicion que les transactions financières les plus faibles, donc des populations les plus vulnérables, sont toujours taxées à hauteur de jusqu’à 40%, ce qui la maintient dans une précarité extrême. Dans nombre de cas, presque 25% du budget familial est alloué à la communication.

Une alternative émerge toutefois chez les hackeurs et adeptes du hardware libre au Sud : le développement d’une carte SIM libre, qui jouerait le rôle d’antenne et permettrait de se passer d’une dépendance à l’opérateur.

Conclusion

La discussion était très animée entre les intervenants émettant assez peu de réserves sur les smartphones et réseaux sociaux et des participants notamment de l’association ATTAC remettant en cause la totalité de leur discours, inquiets finalement que ces solutions aient un terme très court écologique et social, et ne rendent les populations que plus dépendantes de multinationales qui pillent jusqu’aux plus faibles revenus et dépendantes aussi d’un réseau qui peut extrêmement facilement être détourné, utilisé ou coupé par un régime totalitaire.

A vrai dire, les deux opinions me semblent extrêmement légitimes mais il semble qu’il faille nuancer et surtout ne pas se dresser contre des pratiques qui concernent surtout les peuples du Sud et sur lesquels ces derniers ont un regard beaucoup plus lucide que bien souvent le nôtre. On note en effet que les critiques internes du système, la mise en doute des informations ne citant pas de sources, et les différents types de luttes et d’appels contre les grandes firmes ont une portée très grande notamment en Afrique de l’Ouest. Loin de tout interventionnisme et même si nous avons tous une responsabilité de vigilance vis-à-vis de ce qui arrive à nos frères africains, nous devons je pense respecter leur avancée technologique et les laisser prendre en main leur destin et l’orienter comme ils l’entendront.

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  • Ne vous y trompez pas ! Le colibri de la fable ne trie pas ses déchets, il ne prend pas des douches plus courtes, il ne fait pas du covoiturage, il utilise la totalité de son énergie vitale pour éteindre l'incendie dans la forêt qu'il aime. Soyons uni.e.s.
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